L’impact de la cybersécurité sur les systèmes de détection incendie connectés : risques et bonnes pratiques
Les systèmes de détection incendie connectés à l’ère du numérique
À mesure que les technologies numériques s’intègrent dans les infrastructures de sécurité, les systèmes de détection incendie évoluent pour devenir intelligents et interconnectés. Ces équipements connectés, souvent intégrés dans une architecture domotique ou un bâtiment intelligent (smart building), permettent une surveillance en temps réel, la remontée d’alertes à distance, ainsi qu’une interconnexion avec d’autres dispositifs de sécurité. Cependant, cette transformation digitale expose également ces systèmes à une nouvelle menace : celle des cyberattaques.
La cybersécurité des systèmes de détection incendie devient ainsi un enjeu stratégique, tant pour la protection des biens que pour la sécurité des personnes. Face à l’omniprésence d’Internet des objets (IoT) dans les dispositifs de sécurité incendie, il est essentiel de comprendre les vulnérabilités inhérentes et d’adopter des pratiques robustes pour s’en prémunir.
Les risques cyber qui pèsent sur les systèmes incendie connectés
Les systèmes de détection incendie intelligents sont généralement composés de capteurs, de déclencheurs manuels, de centrales de détection, d’interfaces utilisateurs et de passerelles de communication IP. L’interconnexion de ces composants, notamment via des réseaux Wi-Fi ou Ethernet, introduit plusieurs vecteurs d’attaques potentiels :
- Intrusions réseau : Une faille dans la configuration réseau peut permettre à un attaquant d’accéder aux systèmes sensibles comme la centrale d’alarme incendie.
- Manipulation à distance : Un cybercriminel pourrait désactiver à distance un détecteur ou envoyer de fausses alertes d’incendie via un protocole MQTT ou BACnet compromis.
- Ransomwares : Si ces systèmes sont connectés à l’infrastructure informatique d’un site (serveur centralisé, Cloud), ils peuvent être pris en otage lors d’une attaque par ransomware.
- Absence de mise à jour : Les logiciels embarqués (firmware) non mis à jour régulièrement peuvent contenir des vulnérabilités connues par les attaquants.
En 2021, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) a rappelé dans son guide « Cybersécurité des systèmes industriels » les menaces spécifiques aux objets connectés dans les infrastructures critiques (source ANSSI).
Les obligations réglementaires en matière de cybersécurité
Les systèmes de sécurité incendie connectés, notamment dans certains types d’établissements recevant du public (ERP) ou dans les installations industrielles classées (ICPE), doivent répondre à des exigences précises en matière de sécurité physique mais aussi de sécurité informatique dès lors qu’ils sont interfacés avec des protocoles de communication numérique.
Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), bien que centré sur la protection des données personnelles, oblige toute entité à garantir l’intégrité et la confidentialité des informations, ce qui inclut le maintien de la sécurité des dispositifs IoT connectés à des systèmes d’alerte.
Par ailleurs, la directive NIS 2 (Network and Information Security Directive), publiée au Journal officiel de l’UE en janvier 2023, exige que les opérateurs d’infrastructures critiques (notamment santé, énergie, transport, bâtiment) adoptent des mesures organisationnelles et techniques pour protéger leurs systèmes informatisés contre toute cybermenace.
Bonnes pratiques de cybersécurité pour les systèmes incendie connectés
La sécurisation des systèmes de détection incendie connectés ne repose pas uniquement sur les concepteurs ou installateurs. Elle nécessite une approche globale combinant mesures techniques, humaines et organisationnelles :
- Segmenter les réseaux : Isoler le réseau des équipements incendie du reste du réseau informatique (via VLAN ou DMZ) afin de limiter les déplacements latéraux lors d’une attaque.
- Mises à jour régulières : Appliquer les correctifs de sécurité (firmware, logiciels de supervision, OS embarqués) dès leur publication par les fabricants.
- Authentification forte : Supprimer les mots de passe par défaut et activer une authentification multi-facteurs pour l’accès aux interfaces de configuration.
- Surveillance continue : Installer une solution de supervision ou de gestion des événements (SIEM) pour détecter toute activité suspecte sur les communications des systèmes de sécurité incendie.
- Chiffrement des communications : Utiliser des protocoles sécurisés tels que TLS ou IPSec pour protéger les échanges de données entre les capteurs, les centrales et les systèmes d’information.
- Tests de pénétration (pentest) : Réaliser régulièrement des audits de sécurité pour identifier les failles exploitables.
L’ANSSI recommande également dans son « Guide d’hygiène informatique » de mettre en place une gestion des journaux (logs) d’activité permettant une analyse post-incident efficace (source ANSSI).
Rôle des fabricants et importance de la certification
Les fabricants de systèmes de détection incendie ont un rôle clé à jouer. Il leur appartient de concevoir des dispositifs conformes aux normes de cybersécurité dès leur conception (“security by design”). Parmi les normes pertinentes, on peut citer :
- ISO/IEC 27001 : Norme internationale de gestion de la sécurité de l’information, qui s’applique à l’ensemble du cycle de vie des produits connectés.
- EN 50710 : Norme sur les systèmes de sécurité connectés, en particulier les conditions minimales d’intervention à distance dans les systèmes de sécurité incendie.
- Cybersecurity Act (UE) : Ce règlement européen encadre la certification des produits TIC, incluant les équipements de sécurité connectés dans les bâtiments.
Il est conseillé aux entreprises de privilégier les produits certifiés, testés contre les vulnérabilités courantes (mot de passe par défaut, accès non chiffré, ports ouverts), et d’exiger de leurs fournisseurs la documentation de cybersécurité (SBOM – Software Bill of Materials).
Collaboration entre les acteurs : un facteur de résilience
La sécurisation des systèmes de sécurité incendie connectés ne peut se faire de manière isolée. Elle nécessite une collaboration étroite entre :
- Les responsables de la sécurité incendie (SSIAP1, SSIAP2, SSIAP3) qui sont souvent en première ligne dans la sélection des produits et la supervision de leur maintenance.
- Les responsables de sécurité des systèmes d’information (RSSI), dont la mission est d’intégrer les dispositifs incendie dans la politique globale de cybersécurité du site.
- Les installateurs et mainteneurs certifiés (APSAD, NF Service), qui doivent être formés aux aspects numériques des dispositifs installés.
- Les éditeurs et concepteurs industriels qui doivent intégrer les aspects fonctionnels et cyber dès la phase d’ingénierie.
En dernier lieu, il est primordial que les formations initiales et continues des agents de sécurité, mainteneurs et chefs d’établissement intègrent la notion de cybersécurité dans les systèmes de sécurité incendie. L’évolution des menaces impose une adaptation continue des compétences professionnelles.
La convergence entre sûreté électronique, sécurité incendie et cybersécurité est déjà en cours. Elle transforme la manière dont les bâtiments sont protégés et impose de nouvelles exigences de résilience. Anticiper, auditer et sécuriser, telles sont les priorités pour garantir l’efficacité et l’intégrité des systèmes de détection incendie à l’ère du numérique.